Le 15 novembre 2022, la Fédération Française de Football a envoyé une lettre aux présidents des districts et de ligues du football amateur. Florian Penella, entraîneur d’une équipe séniors dans le 20ème arrondissement, revient sur la réception de cette lettre : Brassard « one love », polémique et hypocrisie.

Les ligues et districts du football amateur français ont reçu une lettre signée de la main de Noël le Graet (photo). Cette lettre leur stipulant de faire porter aux clubs amateurs le brassard one love (photo) durant le plus de match possible. Une lettre signée du 15 novembre, en pleine polémique sur le port ce de brassard durant la coupe du monde au Qatar.

«Personnellement, avec notre club, on porte le brassard « one love » depuis 1 semaine. On est très content d’arborer ses couleurs et fières de porter ses valeurs. On a totalement conscience que cela a très peu d’impact sur la lutte contre l’homophobie et la discrimination en vers la communauté LGBTQIA+ comparé à l’impact que cela aurait pu avoir si Hugo Lloris le portait au Qatar. Pour autant, on a l’occasion d’incarner des valeurs importantes pour nous, nous n’avons aucune raison de nous en privé. De plus, nous savons très bien que cela va embêter certaines personnes de nous voir avec ce brassard autour du bras, nous en sommes très contents. (Rires)

Pour revenir sur la lettre envoyée par Noël le Graet, je suis très mitigé, évidemment, l’intention est louable, on ne peut pas dire le contraire. Pour autant, je la trouve également profondément hypocrite. Les propos qu’il a tenus sur le port du brassard au Qatar étaient à mon sens, honteux et beaucoup trop complaisant à l’encontre d’un pays comme le Qatar. Pays qui, certes, a une culture différente de la notre, mais qui bafoue les droits de la communauté LGBT. Noël le Graet nous prend pour des imbéciles, oui, il y a de l’homophobie dans le sport, professionnel comme amateur, mais les mots de sa lettre sonnent creux. Il dit que la FFF souhaite s’inscrire dans la lutte contre toutes les formes de discriminations, mais entre ses propos plus que maladroits sur le Qatar, en restant poli, et ses anciennes déclarations misogynes sur le football féminin par exemple, Noël le Graet n’a plus aucune crédibilité aux yeux du football français. 

Au sein du club, on a tous conscience qu’il tente de se racheter une conscience sur notre dos, mais bon, ce n’est pas pour cela que nous ne sommes pas heureux de mettre ce brassard au bras de notre capitaine. 

De mon point de vue, tous les terrains sont bons pour passer des messages, toute la vie est politique, je ne vois pas pourquoi le sport ne serait pas un terrain qui serait exempt de tout ça. Alors même à notre échelle, ce brassard est un acte politique, s’il peut sensibiliser quatre personnes, c’est déjà ça. 

En revanche, j’ai totalement compris qu’il était difficile pour les joueurs de prendre des positions fortes, encore plus quand ils vont à l’encontre de leurs dirigeants, malgré tout ce qu’on entend autour du foot, ils restent des employés. Mais tout de même, ce n’était qu’un brassard, un bout de tissu pour soutenir des millions de personnes discriminées dans le monde. Une fois le brassard interdit par la FIFA, j’aurais aimé que les joueurs de l’équipe de France fassent une action, quelque chose pour marquer le coup, comme l’ont fait les allemands en se cachant la bouche. Cela n’a l’air de rien, mais le monde entier en a parlé, on était tous au courant que les joueurs allemands avaient protesté contre les conditions de l’organisation de cette coupe du monde au Qatar. Mais ce ne sont pas les joueurs que je blâmerais le plus, leur métier, même si leur image est forte, ça reste le football. Ce sont les instances du football que je ne comprends pas, déjà notre fédération et son président mais aussi la FIFA. J’ai l’impression que ces grandes instances ne sont pas encrées dans les problématiques d’aujourd’hui, notamment sociales. Il serait temps de renouveler ce panel d’hommes blancs hétérosexuels qui ne sont pas en accord avec les valeurs des nouvelles générations. »

Un projet concret pour la LFP, des communiqués pour la FFF

Des initiatives luttant contre les discriminations existent déjà dans le football français. La Ligue de Football Professionnelle semblent en avance sur ce sujet au vu des maigres initiatives de la Fédération Français de Football. La LFP, courant novembre, a officialité l’ouverture d’une celle d’écoute pour les footballeurs professionnels étant victimes de discriminations, mais également pour accompagner les joueurs homosexuels dans leur démarche de coming-out. Ce projet se nomme « cri du vestiaire », ce dernier semble bien plus concret que les actions effectuées par la Fédération. 

La FFF, elle, est une habituée des communiqués envoyés aux ligues et districts du football amateur. Pour faire face une vague de violence dans le football amateur au début de l’année 2022, notamment sur les arbitres, la Fédération avait envoyé un courrier aux présidents de clubs, leur signifiant qu’il était de leur responsabilité de sensibiliser leurs joueurs à ce genre de dérive. Les projets concrets se font attendre du coté de la FFF. Le port du brassard « one love » est une belle initiative sur le papier, mais ça n’est qu’un pavé jeté dans la marre.